8/10 – Le son avec la pédale tu peaufineras
Les articles proposés par Laurence continuent de s’enchaîner depuis le Québec. Je lui donne la parole depuis plusieurs mois pour transmettre les 10 piliers issus de mon enseignement.
Avec ce 8e article sur un sujet clé du piano, Laurence, qui est aussi rédactrice, ne perd pas les pédales ! Vous allez comprendre de suite pourquoi 😁. Elle partage cette fois une autre complexité du piano, toujours à travers son parcours et avec ses mots : l’utilisation de la pédale de droite, dite “forte” ou “sustain”. D’autres peuvent l’appeler la pédale d’expression. Dans tous les cas, comme dit Arthur Rubinstein, c’est « l’âme du piano ».
Laurence, comme beaucoup d’apprenant pianiste (et c’est bien dommage à mon sens) n’a pas utilisé la pédale au début de son apprentissage et ce pendant de nombreuses années. Elle en explique les raisons et ses difficultés pour parvenir à l’intégrer dans son jeu.
En m’adressant l’article, elle m’a d’ailleurs demandé à partir de quel moment je commence à l’enseigner aux élèves débutants. Je répondrai à cette question en vidéo durant les semaines qui viennent.
Ce sujet est effectivement central. Vous pouvez compléter la lecture de ce sujet par quatre autres articles que je propose sur ce blog. Voici les liens pour les retrouver en un clic :
– A quoi servent les pédales du piano
– Comment mettre la pédale de droite au piano
– Comment ne pas noyer son morceau de pédale
– Gérer la pédale et le rubato (Valse de Chopin en la mineur)
Vous pouvez également accéder aux 7 articles précédents de cette série des 10 piliers en cliquant ici.
La pédale d’expression et moi : une rencontre tardive
Pour ce 8e pilier, je n’ai pas l’ambition de vous expliquer comment utiliser la pédale. Les articles de Marie-Cécile sur ce sujet sont très complets, à voir et revoir… et surtout à expérimenter.
En revanche, je trouve intéressant de partager mon expérience sur ce sujet, en faisant un lien avec les différents pianos qui m’ont accompagnée toutes ces années (plusieurs décennies !). C’est parti pour un « retour sur le passé »…
J’ai eu la chance de commencer le piano vers l’âge de sept ans. Mes parents avaient acheté un piano droit qui n’était plus tout jeune (pour ne pas dire très vieux !). Le cadre était en bois, même pas en métal, c’est tout dire !
Ce piano était le plus beau du monde car c’était le mien (je ne me souviens plus de la marque, sans doute peu connue). Pendant plusieurs années, j’ai suivi des cours particuliers, déjà évoqués dans de précédents articles. Il est important de préciser que je n’avais pas utilisé la pédale d’expression, ni les autres d’ailleurs, si ce n’est la sourdine pour limiter le volume.
A l’adolescence, j’ai pris des cours en école de musique et je n’ai aucun souvenir d’avoir été sensibilisée à l’utilisation de la pédale d’expression. Est-ce la réalité ou un oubli ?
Ce piano de mon enfance et de mon adolescence a été mis en sourdine vers l’âge de 18 ans. Mes parents l’ont ensuite vendu lors d’un déménagement. Vers l’âge de 30 ans, je me suis remise au piano avec l’achat d’un clavier numérique en 1997 (Clavinova) pour pouvoir jouer en appartement. Quand j’ai repris des cours en école de musique, l’acquisition d’un « vrai piano » s’est imposée.
En 2002, j’ai jeté mon dévolu sur un Erard datant du début du XXe siècle (modèle surnommé « 4 hommes » par les déménageurs en raison de sa hauteur. Ce piano requiert l’intervention de 4 personnes pour un transport !). Ce piano au cadre en métal avait été rénové, dans les règles de l’art. Je pouvais également me passer de l’utilisation de la pédale d’expression ou du moins de ne pas la maîtriser. Ce qui n’est pas le cas des pianos modernes.
En 2008, j’ai repris le piano avec Marie-Cécile. Les cours se déroulaient à son studio de musique, sur son Seiler, un magnifique piano à queue. Je passais d’un monde à un autre : d’un piano droit ancien (certes rénové et juste) à un piano à queue de haute facture. J’ai pris conscience d’une lacune, parmi tant d’autres : je ne savais pas utiliser la pédale d’expression qui s’imposait sur ce piano moderne.
La pédale d’expression : l’apanage des pianos acoustiques de qualité
Dans mon souvenir qui reste un peu flou, il m’a été très compliqué d’intégrer ce nouvel élément. Je ne sais pas comment Marie-Cécile s’y est prise mais au fil des 12 ans de cours, l’utilisation de la pédale a fini par faire partie intégrante de mon jeu. Elle est devenue indispensable !
J’ai été étonnée de constater avec le recul que l’achat d’un piano neuf en 2012 a accéléré considérablement cet apprentissage. Et cela, je ne l’avais pas du tout anticipé.
La progression au piano, notamment en manière d’interprétation, est indéniablement liée à la pratique sur un piano acoustique. J’ai préféré assumer ce à quoi j’accordais réellement de la valeur. C’est pourquoi je roule avec une vieille voiture… la vie est faite de choix !
Comme me l’avait souvent dit Marie-Cécile, je savais que le clavier numérique ne permettait en aucun cas de percevoir les subtiles nuances de jeu lorsque l’on veut passer à un niveau respectable, notamment la finesse apportée par l’utilisation de la pédale. Le problème est d’ailleurs identique avec l’utilisation d’un piano acoustique en mode silencieux.
Je ne me suis pas arrêtée là en réalité… je suis incorrigible quand il s’agit de piano !
En décembre 2015, l’achat d’un nouveau piano m’a permis de gravir encore une nouvelle marche dans l’utilisation de la pédale d’expression (piano que j’ai pu m’offrir grâce à l’héritage de ma grand-mère… et je roule toujours dans une vieille voiture !).
L’acquisition de ce piano a mis en évidence que j’avais encore du pain sur la planche dans l’utilisation de la pédale d’expression… en l’occurrence du pain sur le plancher. Le jeu de mots était trop tentant. 😁
Ne pas confondre « pédale d’expression » et « pédale de frein » !
Voici une mention légale qui me fait sourire (elle est de moi !) : « L’abus d’utilisation de la pédale est nuisible à l’interprétation ». L’auditeur se retrouve noyé dans un magma ou nuage de notes qui finit par être pénible.
J’ai recours à cette image automobile pour illustrer le piège dans lequel j’ai tendance à tomber.
Mon ex-compagnon qui avait l’oreille se permettait parfois, en prenant des gants, de me faire un retour sur mon jeu : « Il me semble que tu utilises beaucoup la pédale ». Il aurait même pu dire : « beaucoup trop » ! Ce retour m’agaçait un peu sur le moment mais il avait raison. Sa remarque m’a souvent aidée à rectifier cet abus de pédale, du moins à m’aider à en prendre conscience. Chassez le naturel, il revient au galop !
Parce que l’utilisation de la pédale me rassure. C’est comme une bouée de sauvetage à laquelle j’ai tendance à avoir recours. Le phénomène s’accentue quand je ne suis pas sûre d’un passage ou quand je joue en public.
L’importance de la « course » de la pédale
A propos de cette écoute extérieure que l’on peut recevoir en dehors d’un professeur, j’ai désormais la chance d’avoir mes amis parmi les Clénautes (nom de la communauté de Marie-Cécile). Je peux compter sur leur retour alliant franchise et bienveillance.
L’année dernière, à l’occasion de la préparation d’un PianoClass avec Marie-Cécile, je leur avais adressé une vidéo du 2e nocturne de Chopin. Le retour avait été unanime : « trop de pédale ! ». Et zut…
Ce retour m’avait permis de réveiller mon oreille qui était noyée ainsi que de chercher d’où pouvait venir le problème… et j’ai trouvé ! Il était en lien avec la dimension de la course de la pédale de mon Pleyel : 7,5 cm. A titre de comparaison, le clavier numérique que j’utilise au Québec est de 5 cm.
J’ai ainsi réalisé que j’abusais de la pédale, souvent par fatigue. La dimension de la course étant importante, mon muscle du devant de la jambe (le « jambier » qui permet la flexion de la cheville) était très sollicité. J’ai trouvé la solution : surélever un peu mon pied du sol pour réduire la hauteur.
Étant actuellement au Québec, je n’ai malheureusement pas la possibilité de faire une photo ! J’avais à l’époque placé des magazines sous mon pied mais ce n’était pas optimal. Mieux vaut recourir à une plaque en bois ou en polystyrène de l’épaisseur adéquate.
Marie-Cécile conseille aussi de la faire régler par son accordeur.
Une connexion d’une grande finesse
Les articles de Marie-Cécile en témoignent : l’utilisation de la pédale exige sur une connaissance de la mécanique du piano (les étouffoirs). Elle requiert aussi une connexion auditive très fine pour sentir et entendre à quel moment la pédale déclenche le système (il y a une zone neutre). Je vous invite à regarder les vidéos de Marie-Cécile qui sont très précieuses. En écrivant ce conseil, je m’engage à me l’appliquer à nouveau à moi-même dès que possible !
Puisque nous sommes dans l’orfèvrerie, je pense qu’il est utile de faire un focus sur le point de contact précis entre le pied et la pédale (qui n’était pas clair pour moi). Le pied est à poser sur la zone qui correspond à l’articulation : ni sur le bout des orteils, ni sur la plante du pied.
Pour le sentir, j’ai joué en chaussettes ! Personnellement, à la maison, je préfère jouer avec des chaussons qui ont l’avantage d’avoir une semelle souple. Quand je sais que je vais jouer à l’extérieur, je choisis une paire de chaussures adéquate.
J’ai eu l’occasion de jouer du piano dans un grand hôtel depuis que je suis au Québec. J’étais chaussée d’une paire de bottes pour affronter la neige. Autant dire que la connexion est plus difficile !
A chaque piano sa pédale
Jouer sur un piano qui n’est pas le sien équivaut à rencontrer un inconnu… qui est doté d’une pédale particulière ! Cela demande un ajustement, au même titre que la lourdeur du clavier.
Je partage avec vous une photo prise dans un CHSLD (équivalent d’un EHPAD) où nous proposons des animations musicales avec Louise (une amie que j’ai rencontrée via le réseau des Clénautes).
Nous avons découvert un piano perché sur des roulettes qui entraînait une hauteur de course impressionnante. Nous avons fait avec les moyens du bord pour réduire la distance ! Vive l’adaptation !
Et en plus, ayant oublié de prendre ma paire de chaussures, j’étais chaussée de mes gros godillots !
Conclusion
Comme pour le rythme et bien d’autres sujets, j’ai encore tellement à pratiquer pour progresser ! En l’occurrence, concernant l’utilisation de la pédale d’interprétation, il s’agit surtout d’ouvrir en grand ses oreilles et de se connecter au son pour écouter ce qu’on joue, ce qui est un vrai plaisir… C’est finalement le but ultime du pianiste.
Sachant que j’ai un nouveau challenge en matière de pédale ! L’utilisation d’une pédale d’appoint pour tourner les pages numérique de ma tablette. Mon séjour au Québec ne m’a pas laissé le choix que de m’y mettre.
Ceux qui sont passés par là souriront sans doute en me lisant : l’utilisation du pied gauche pour déclencher la tourne de page à bon escient vient TOUT perturber !
Marie-Cécile a bien raison : il faut être un peu dingue pour apprendre le piano ! Heureusement, elle est à nos côtés sur tous les fronts. Elle a réalisé une vidéo sur ce sujet : Tournez vos pages de partitions numériques avec une pédale Bluetooth. Je vous la recommande
C’était un petit aparté « pédalistique » !
Revenons à ce 8e pilier qui se termine par une question : avez-vous conscience de l’effet généré par la pédale quand vous interprété un morceau ?
Je suis curieuse de découvrir vos commentaires tout particulièrement sur ce sujet. J’adorerai vous lire dans les commentaires ci-dessous…
Rendez-vous dans 15 jours pour l’avant-dernier article de la série !
Pingback: Les 10 piliers issus de ma pédagogie par Laurence - Apprendre à jouer du piano
Merci pour cet article et les connaissances mises à disposition des lecteurs. Après des années de pratiques et de cours ( au conservatoire) et bien si il y a bien un trou béant dans l’enseignement du piano, c’est l’utilisation de la pédale forte! Bien sur des professeurs m’ont donnés les bases mais rien de plus sur ses subtilités de jeu et les différentes techniques qui lui sont rattachées. C’est dommage, mais pourquoi ce vide?
https://pianodeclic.fr