3/10 Dans l’univers de la tonalité et de l’harmonie tu entreras
Comme promis lors du dernier article, voici la suite des 10 piliers qui ont aidé Laurence, une apprentie pianiste et amie, à passer de pianiste tremblante dans l’intimité de son salon, à animatrice musicienne en établissements pour nos aînés.
Si vous n’avez pas lu les deux premiers, je vous invite à commencer par cliquer ici.
3e pilier : mieux vaut tard que jamais !
J’ai honte. Oui, je l’avoue. Il m’en aura fallu bien du temps pour ouvrir la porte d’un univers fabuleux : l’harmonie (étude des accords) dans la tonalité. C’est une clé indispensable pour progresser avec plaisir. Voici un partage en toute authenticité de la levée d’un blocage…
Du satané solfège aux accords sataniques
Dans mon enfance, à mon époque (oh, je commence à parler comme vieille dame !), l’heure n’était pas à la « formation musicale ». Pendant un an, j’ai suivi des « cours de solfège » dans un centre culturel à Caucriauville, quartier populaire sur les hauteurs du Havre. Le solfège est à la musique dans ces écoles ce que le pass sanitaire est à l’accès des lieux de convivialité !
À l’issue de cette année, j’ai enfin débuté le piano en cours particuliers à l’âge de sept ans.
Le jeune prof était jeune et gentil… mais j’allais aux cours avec la boule au ventre. La petite fille anxieuse que j’étais alors voulait obtenir à tout prix les meilleures notes (à l’école, j’étais la première de la classe, me mettant la pression toute seule, quand j’y pense…).
Chaque mercredi, je vivais un cauchemar, celui d’être nulle !
Je m’étais persuadée que je n’avais pas d’oreille (certes pas l’absolue mais il me restait la relative, découverte plus de quarante ans plus tard !). J’ai ainsi appris bêtement l’ordre des dièses et des bémols… en devenant hermétique au vocabulaire musical.
Il m’aura fallu plusieurs décennies pour dépasser ce blocage. Je précise que ma pratique n’a pas été linéaire, avec une succession de plusieurs années sans toucher à un piano mais tout de même. Quand je pense à tout ce temps où je suis restée coupée du fondement même de la musique !
Aujourd’hui, je me délecte de l’enchaînement des sonorités des accords de 7e. Exemple avec le Do : CM, C7, Cm… et mon préféré CØ !
Cet accord me procure une vraie délectation musicale qui touche ma sensibilité. Appelé “triton”, il a d’ailleurs fasciné beaucoup les compositeurs.
Mon professeur de chant m’a appris dernièrement que l’intervalle de septième diminuée était qualifié de « satanique ». Prohibée pendant des siècles, elle a même été interdite un temps par l’Église, considérant qu’elle pouvait invoquer le diable une fois jouée.
Une plongée musicale dans l’armure à la clé
Pendant si longtemps, j’ai considéré les altérations à l’armure comme un brave petit soldat. Surtout, penser à ne pas les rater au risque de perdre la bataille de la perfection que je livrais alors avec le morceau : jouer avec zéro fausse note ! Cette bataille était perdue d’avance.
Les altérations « accidentelles » étaient ma hantise. Surtout que mon professeur avait tendance à entourer rageusement sur ma partition, en rouge de préférence, les altérations oubliées. Preuve en est, ce passage ardu de la Fantaisie de Mozart, annoté quand j’étais enfant.
À la reprise du morceau bien des années plus tard, j’ai acheté une partition neuve sur les conseils de Marie-Cécile. Le fait de travailler sur une partition vierge avec une mise en page différente, m’a permis de déprogrammer l’angoisse liée à ce passage.
À la suite d’un travail en profondeur sur ce nouveau support, je ne suis plus tétanisée par ce passage, c’est même le plus maîtrisé de l’ensemble du morceau !
Aujourd’hui, je savoure d’ailleurs tout particulièrement les altérations du mode mineur !
Cette expérience musicale illustre finalement les différentes manières d’explorer l’océan de la vie. On peut se laisser balloter dans sa barque par les courants et les vagues par crainte de se mouiller… ou plonger pour y nager sans résistance et découvrir les merveilles sous-marines, quelle que soit la température de l’eau.
En dessinant les altérations, j’ai réalisé que les 2 barres horizontales du dièse sont inclinées, illustrant l’élévation de la note naturelle. Quant au “b” du bémol, sa pointe plonge vers le bas. Pratique non ?
A l’âge de 41 ans, j’ai repris des cours de manière assidue avec Marie-Cécile. Certes, j’étais passée de la barque au 420 (voilier-dériveur)… mais pas prête du tout à me jeter dans la mer harmonique !
Petit à petit, avec toute la finesse pédagogique dont elle sait faire preuve, Marie-Cécile a planté des petites graines qui ont fini par germer au fil des années. Juste avant qu’elle ne suspende les cours en présentiel, elle a réussi, en matière de connaissances harmoniques, à me transmettre le B.A-BA des accords de 7e… auxquels je me suis accrochée comme une moule à son rocher quand j’ai débuté des cours de piano jazz !
Comment rattraper ses lacunes ?
À chaque fois que Marie-Cécile abordait le « rattrapage » de mes lacunes harmoniques, je trépignais sur mon fauteuil. J’étais là pour un cours de piano et pas pour un cours de solfège !
Son approche très différente de l’enseignement que j’avais reçu m’interpelait bien plus que la formation traditionnelle. Mais faute de temps, il n’était alors pas question de combler mes manques de connaissances.
Depuis, Marie-Cécile a créé ses formations en ligne. Les différentes facettes du solfège y sont abordées, le plus souvent possible face au piano en vidéo. Je réalise à comme il est essentiel pour moi de relier l’apprentissage théorique au clavier du piano, tant en efficacité qu’en plaisir .
J’ai commencé par la méthode C.L.É.É., que j’ai suivie initialement pour améliorer ma vitesse de lecture. Certains cours y sont dédiés au visuel des accords et aux tonalités. J’ai découvert à quel point cela contribue aussi à améliorer le déchiffrage à vue.
Forte de cette expérience, j’ai enchaîné avec la méthode TONAL. Celle-ci m’a apporté les bases qui me manquaient pour entrer sereinement dans le monde harmonique, en consolidant l’apprentissage des tonalités.
Avant d’expérimenter ces outils, j’étais plutôt réticente à cette nouvelle façon d’apprendre en ligne. Ça a été un investissement financier important pour moi, mais j’en mesure maintenant les retours.
En revanche, j’ai dû quand même trouver la volonté de m’y atteler sérieusement en me dégageant du temps. C’est d’ailleurs pour moi le problème de fond d’une pratique en tant qu’adulte. À ce propos, parmi mes bonnes résolutions de la rentrée, j’ai décidé de me caler une routine de travail avec un temps donné pour les formations en ligne.
Visualiser la musique autrement…
Marie-Cécile utilise souvent l’image des paysages, la tonalité de Do majeur étant comparable à une grande plaine.
Il est intéressant de relier la connaissance des tonalités au relief du clavier. C’est comme quand on randonne : les empreintes de nos chaussures s’impriment sur le sentier. Quand on joue du piano, les empreintes de la main nous permettent d’emprunter le bon chemin !
Ce travail basé sur la perception apporte un confort de jeu redoutablement efficace (dans le bon sens du terme) pour entrer dans un morceau, passer d’un morceau à un autre, déchiffrer (lecture à vue), mémoriser…
Que c’est bon d’être sortie de prison et de voyager dans des univers si différents ! Voici quelques dessins inspirés par des tonalités dans lesquels j’évolue…
Conclusion
Que de temps perdu toutes ces années à jouer comme si j’étais un peu aveugle et sourde ! Les regrets ne font pas avancer. Je préfère aller de l’avant et en prendre de la graine. Il y a tant à semer pour récolter !
Chaque article sur les 10 piliers se termine par une question que voici : « Et vous, pouvez-vous associer spontanément chacun de vos morceaux à une tonalité ? »
N’hésitez pas à partager votre expérience. A chacun ses blocages !
Rendez-vous prochainement pour le pilier n°4 !
Pingback: Les 10 piliers issus de ma pédagogie par Laurence - Apprendre à jouer du piano
Pingback: 2/10 Le souffle comme un fil tu suivras - Apprendre à jouer du piano
Comprendre l’harmonie, les accords, indispensables en jazz dès le début. En classique je passais un temps fou à décripter une partition, et passais des semaines pour avoir un morceau dans les doigts, m’arrêtant comme une poule devant un couteau à la moindre faute. Aujourd’hui le travail de lecture à vue et la compréhension harmonique me font gagner un temps précieux dans l’apprentissage de nouvelle pièces tout en renforçant la mémoire. À ma reprise en adulte j’ai eu la chance d’avoir un prof axé jazz et harmonie. Il m’a libéré de nombreuses contraintes.
Pingback: Partager le plaisir de jouer du piano… enfin ! - Apprendre à jouer du piano