Les exercices techniques de Dohnányi : Un incontournable pour le pianiste exigeant

Le monde du piano regorge d’exercices techniques destinés à améliorer la technique, la précision et la maîtrise de l’instrument. Parmi ces ouvrages, les exercices techniques de Dohnányi se distinguent par leur approche à la fois rigoureuse et exigeante. 
Composés par le pianiste et compositeur hongrois Ernő Dohnányi, ces exercices sont souvent considérés comme un défi même pour les pianistes avancés, et en même temps comme une véritable mine d’or pour ceux qui cherchent à parfaire leur technique.

Dans cet article, je vous raconte l’histoire de ce recueil. Je vous explique aussi ses avantages, ses inconvénients, et la manière de l’utiliser efficacement dans votre routine pianistique quotidienne.

Un peu d’histoire : Qui était Ernő Dohnányi ?

Ernő Dohnányi (1877-1960) était un pianiste et compositeur hongrois, admiré pour ses talents d’interprète autant que pour ses œuvres. Contemporain de Béla Bartók et Zoltán Kodály, il a marqué la scène musicale européenne par ses compositions ainsi que son travail d’enseignant. 

Ses exercices techniques pour le piano ont été désignés par l’auteur comme “Les exercices de doigts les plus importants pour une technique sûre de piano”. Le recueil reflète son propre souci du détail et son désir de pousser les limites de la virtuosité pianistique. Écrit dans le premier tiers du 20e siècle, ce recueil visait à répondre à un besoin pratique pour les pianistes de l’époque : atteindre un contrôle total des doigts et une indépendance digitale maximale.

Pourquoi s’entraîner sur Dohnányi ?

Les exercices techniques de Dohnányi ont plusieurs avantages qui les placent au-dessus de simples exercices de doigté ou d’études mécaniques :

1. Efficacité extrême : En dépit de leur apparence parfois austère et répétitive, ces exercices sont d’une efficacité redoutable lorsqu’ils sont bien travaillés. Ils permettent en effet de développer des réflexes quasi automatiques dans l’exécution des gestes pianistiques.

2. Simplicité apparente, profondeur technique : Contrairement à des œuvres plus musicales comme les études de Chopin ou de Liszt, les exercices de Dohnányi sont essentiellement fonctionnels. Ils n’ont pas pour objectif de vous faire jouer de la belle musique, mais de perfectionner votre technique. Toutefois, cette simplicité de surface cache un niveau de complexité technique considérable.

3. Gain de temps : En se concentrant sur des mouvements précis et des enchaînements de doigts, ces exercices offrent un moyen rapide et efficace de s’échauffer ou de développer une technique solide en relativement peu de temps.

4. Focus sur l’indépendance digitale : Une des forces majeures de ce recueil réside dans son accent mis sur l’indépendance des doigts, un aspect crucial du jeu pianistique qui est souvent négligé. Les exercices permettent d’éliminer les « faiblesses » entre certains doigts, notamment entre le quatrième et le cinquième, qui sont naturellement moins musclés.

Une méthode réfléchie et pragmatique

Dans l’avant-propos de son recueil, Ernő Dohnányi, conscient des limites des études répétitives, souligne l’importance de réduire le temps consacré à ces exercices pour mieux se concentrer sur l’apprentissage des morceaux. Il remet en question les longues heures que les étudiants consacrent à des études techniques, souvent mal guidées, et propose une approche plus directe et pragmatique pour améliorer la technique pianistique. Dohnányi considère que les exercices de doigt comme ceux qu’il a conçus, sont plus directs et permettent de développer une excellente dextérité et indépendance des doigts, sans perte de temps.L’auteur recommande également une approche consciente et réfléchie dans l’exécution des exercices. « On ne doit pas travailler avec les doigts, mais avec le cerveau », écrit-il, insistant sur le fait que le mouvement des doigts doit être contrôlé avec une attention minutieuse à chaque geste. Ce travail “mental” intensif est l’une des caractéristiques majeures de cette méthode, qui pousse les étudiants à s’impliquer pleinement dans chaque répétition, tant physiquement que mentalement. Le terme “mental” employé à l’époque se traduirait mieux aujourd’hui par conscient ou attentif, à mon sens.

Les inconvénients de la méthode

Toutefois, ces exercices ne sont pas sans poser des difficultés chez de nombreux pianistes expérimentés et sans discernement. 

Ils demandent un engagement mental et physique intense, et peuvent mener assez vite à la tendinite s’ils sont répétés bêtement, trop fort, trop vite, trop longtemps. Ils peuvent aussi sembler rébarbatifs pour ceux qui sont plus habitués à des études musicalement plaisantes. 

Voici donc quelques points à prendre en compte :

1. Répétitivité : Le caractère répétitif des exercices peut être décourageant pour les pianistes qui n’aiment pas la monotonie. On répète certains mouvements en boucle, ce qui peut parfois donner l’impression de stagner. Pour contrer cela, il est important d’avoir un objectif clair, savoir ce qui est recherché dans l’exercice et que les deux correspondent. L’attention à ses sensations de jeu permet aussi de contrer la chose en sortant du mental. 

2. Exigence physique et risques de blessure : Dohnányi demande une endurance physique et une grande discipline. Ces exercices, bien que courts, sollicitent beaucoup les muscles des mains et des avant-bras. Sans une bonne gestion des pauses et du repos, il est facile de se surmener et de finir chez le kiné. Attention à son conseil du début qui dit de jouer les doigts fortement… allez-y progressivement en commençant doucement.

Un pianiste qui ne fait pas attention à sa posture et à la tension musculaire risque de développer des douleurs ou, pire, des blessures comme des tendinites. Pendant les répétitions, vérifiez régulièrement la respiration, les épaules, le dos érigé vers le haut. Et secouer les mains en relâchant sur le côté dans de micro-pauses de 10 secondes très régulièrement.

À quel niveau sont destinés les exercices de Dohnányi ?

Les exercices de Dohnányi ne sont pas recommandés aux débutants, car ils demandent déjà une bonne maîtrise du clavier. Ils conviennent plutôt aux pianistes intermédiaires à avancés qui ont besoin d’affiner leur technique, de développer une grande indépendance des doigts et de travailler sur la régularité du toucher. 

Cependant, il est possible de les aborder progressivement à partir d’un niveau 4 (Intermédiaire et 2ème cycle), en choisissant les exercices qui correspondent le mieux à son niveau actuel (voir classement plus bas). Et ensuite, ils peuvent bien sûr se travailler jusqu’à un niveau professionnel et virtuose avec grand profit.

Pour un pianiste avancé, ce recueil peut devenir un outil quotidien très intéressant, à condition de ne pas y passer des heures chaque jour. Pour moi, 20 minutes maximum est une durée suffisante pour une séance de technique dans ce recueil, pour un niveau moyen. Un travail régulier, mais bien dosé, permet d’en tirer le maximum de bénéfices sans risquer la lassitude ou les blessures, et d’aller mettre ensuite en pratique sa technique dans les œuvres.

Comment utiliser les exercices de Dohnányi au quotidien ?

Pour intégrer efficacement les exercices de Dohnányi dans votre routine quotidienne, voici quelques conseils :

1. Débuter lentement : Ne cherchez pas à exécuter les exercices à une vitesse trop rapide dès le départ. Attendez d’être bien échauffé(e) avant d’aller vite et fort. Prenez le temps de bien comprendre le geste technique et le but recherché derrière chaque exercice. Au besoin, demandez à un pianiste avancé de vous expliquer.

2. 10 à 15 minutes par jour : Les exercices de Dohnányi ne doivent pas être travaillés pendant des heures. Ils peuvent être utilisés en guise d’échauffement, par exemple 10 à 15 minutes par jour, avant de vous lancer dans des morceaux plus musicaux. C’est suffisant pour développer une technique solide sans risquer de fatiguer vos mains. 20 minutes au total si vous avez des besoins spécifiques et si vous en faites deux fois dans la journée.

3. Varier les exercices : Même si le recueil est court, essayez de ne pas vous limiter à un ou deux exercices. N’attendez pas que chacun soit parfait pour en essayer d’autres. Variez-en le plus possible pour travailler plusieurs aspects de votre technique. Cela vous évitera également de tomber dans la monotonie.
4. Utiliser un métronome, mais pas tout le temps : La régularité est essentielle dans ces exercices. Le métronome est un bon allié pour veiller à ce que votre jeu soit parfaitement précis et équilibré. Vérifiez donc régulièrement votre régularité, ensuite arrêtez-le et concentrez-vous sur vos sensations.

Classification des exercices par difficulté

Pour permettre une progression efficace, il est proposé en début de recueil un classement des exercices par niveau de difficulté. Cet ordre, bien que non strictement progressif, guide les pianistes dans le choix des exercices à travailler en fonction de leur niveau. Mais bien sûr vous devrez vérifier vos acquis dans chaque domaine technique avant de vous lancer dans chacun. Si vous n’avez jamais appris tel ou tel domaine technique, allez le débuter ailleurs et revenez ensuite dessus dans quelques semaines.

Le voici :

  • Exercices faciles : N° 1, 2, 12, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 24
  • Exercices moins faciles : N° 3, 4, 5, 6, 7, 8 (en ut, sol et fa majeur), 13, 14, 16, 26, 28, 29, 33, 36, 37, 38, 39, 40
  • Exercices difficiles : N° 8 (sur les tons successifs), 9, 10, 11, 23, 25, 27, 30, 31, 32, 34

Décodage des différentes sections

Le recueil de Dohnányi est divisé en plusieurs sections, chacune visant un aspect technique spécifique :

1. Indépendance des doigts : De nombreux exercices se concentrent sur l’indépendance digitale, en forçant certains doigts à maintenir une position fixe pendant que les autres jouent. On appelle cela souvent des “exercices de tenue”. C’est une façon efficace également de renforcer les doigts les plus faibles. 

Certains exercices demandent une précision extrême dans le poids appliqué par chaque doigt, renforçant ainsi le contrôle du toucher, indispensable pour des dynamiques nuancées dans l’interprétation.

2. Gammes et accords : Il faudra impérativement connaître d’abord de manière précise vos gammes majeures, mineures harmoniques et mélodiques. Sinon vous risquez d’être complètement perdu… Si c’est bien le cas, ces exercices permettront de faire des gammes avec grand plaisir et de s’entraîner toutes les jouer en un seul exercice à chaque fois.

3. Double prise : On est là dans de la technique vraiment avancée. Donc alternez les mains si vous sentez que les mains et avant-bras commencent à vous envoyer des signaux d’alerte. Ne jouez pas fort au début et augmentez la force et la vitesse par intermittence et progressivement.

Conclusion

Les exercices techniques de Dohnányi sont un outil précieux pour tout pianiste souhaitant perfectionner sa technique et développer une maîtrise totale du clavier. Bien qu’ils soient parfois exigeants, leur efficacité n’est plus à prouver. Ils permettent d’atteindre un niveau de contrôle et de précision important. 

Rappelez-vous cependant de les aborder avec patience, en évitant la précipitation et la répétition excessive pour en tirer tous les bénéfices sans risque de blessures. Les alterner avec d’autres exercices comme les exercices de Brahms, Liszt ou des études de Moszkowski par exemple.

Partager l'article :

Laisser un commentaire

Vous êtes libre de recevoir mon guide d'apprentissage de morceau, ainsi que ma méthode de lecture de notes, en remplissant ceci :