9/10 – Du plaisir tu prendras et tu offriras
Les articles que j’ai confiés à mon amie Laurence, ancienne élève, rédactrice et animatrice auprès de seniors s’enchaînent à un rythme régulier, avec une parution tous les 15 jours.
Nous voilà parvenus à l’avant-dernier article, en lien avec le tout-premier, celui qui lançait la série des 10 piliers.
Je vous invite à lire ou relire le 1er article qui porte ce titre : « Les 10 piliers issus de ma pédagogie par Laurence ». En préambule, il aborde une question sensible : jouer devant un public… et parvenir à y prendre du plaisir.
Il est intéressant de constater que son 1er pilier s’intitule : « De tout ton corps tu joueras ». A l’heure de la sortie de ma formation « Un corps pianiste », j’y vois comme une validation de ma démarche.
Si vous souhaitez relire les articles illustrés déjà parus, cliquez ici.
Le plaisir de jouer pour soi ET pour les autres
J’imagine que vous ne me contredirez pas si j’énonce le constat suivant : chaque personne qui persévère dans l’apprentissage du piano y trouve du plaisir, c’est ce qui l’anime profondément.
Mais il y a une ÉNORME différence entre jouer dans le cocon de son chez soi et jouer devant un public. Le seul fait de jouer devant sa famille, parfois même son conjoint, peut provoquer un blocage…. qui peut aller jusqu’à se transformer en cauchemar à chaque tentative.
Inutile de développer davantage, la plupart des pianistes savent ce que j’essaie d’exprimer. Dans cet article, je préfère communiquer des informations positives.
Dans l’article de présentation des 10 piliers, j’aborde cette question centrale : parvenir à jouer devant un public, quel qu’il soit. Mon objectif initial reposait sur un leurre : la perfection. Tant que cette ambition-là nous guide, elle empêche d’accéder à ce que je considère comme la vocation suprême : sentir les vibrations qui m’animent en interprétant un morceau, qu’elles sont communicatives et que je reçois d’autres vibrations en retour.
La vie est ainsi faite qu’il y a des synchronicités troublantes. J’adresse cet article à Marie-Cécile avec un jour de décalage (pas facile de tenir les délais des 15 jours de parution !). Ce que j’ai vécu hier m’aide à traduire ce que je cherche à faire passer comme messages. Je ris en repensant à ce que j’ai vécu…
Actuellement au Québec, je suis amenée à jouer bénévolement dans un hébergement pour personnes âgées dont le concept original est un modèle en France. Il y a un piano au salon (pas vraiment juste mais il a le mérite d’être là). J’ai osé ressortir des morceaux que je n’avais pas joués depuis cinq mois, de surcroît en lecture sur ma tablette (avec une tourne de page à la pédale bluetooth que je ne maîtrise pas encore). Autant dire que je laissais la place aux approximations !
Si vous connaissez le sketch de Kad Merad, « Jean-Michel Apeuprès », vous imaginerez assez bien la nature de ma prestation ! Et vous savez quoi ? J’ai reçu des compliments dithyrambiques, de la part des aînés, de la famille présente et de l’équipe : « Oh, mais qu’est-ce que vous jouez bien ! ».
Comme à chacune de mes prestations en France, quel bonheur indescriptible d’entendre les gens chanter et de les sentir danser ! J’ai même osé le déchiffrage de morceaux sur un livret que j’ai découvert « par hasard » dans l’assise-tiroir du tabouret !
C’est l’intention qui compte : quand je joue devant les autres, le plaisir du partage est ce qui m’anime.
Les conditions optimales pour oser se lancer
1/ Un morceau a une chance de passer en public s’il est solide, UN POINT C’EST TOUT ! Le trac a si souvent bon dos… D’où l’idée de cette série d’articles où je partage tout ce qui me permet d’y parvenir.
2/ Choisir des morceaux de son niveau, voire au-dessous. Si je suis « limite » sur un morceau, il va immanquablement être fragile sur certains passages : CQFD. Avec l’expérience, je me rattrape aux branches, mais au début, la faiblesse ne fait pas de cadeau.
3/ La complexité d’un morceau n’est pas appréciée à sa juste valeur. En interprétant mon morceau le plus difficile (ce serait « Clair de lune » de Debussy), je reçois les mêmes compliments qu’en jouant un morceau de niveau bien inférieur (ex. un French cancan simplifié !). À part s’il s’agit d’un public de mélomane fan de classique bien sûr… mais même ceux-là apprécient un morceau de variété ou une petite ritournelle qui va les faire vibrer.
Alors pourquoi se priver de morceaux plus faciles, travaillés pour devenir solides voire bétonnés… et se connecter au plaisir !
4/ Jouer avec la pulsation comme moteur. Je vais formuler ce dernier conseil de manière un peu direct (certains Clénautes se reconnaîtront) :
– Je me suis trompée de note(s) ? Pas grave, je continue et ne reprends pas le passage
– Je ne fais pas de commentaire, du genre : « Désolée »
Qu’on se le dise : le pire cauchemar d’un auditeur n’est pas du tout d’entendre des fausses notes (je peux en témoigner au cours de mon expérience de ces sept dernières années !). Mais plutôt d’assister à la débâcle du joueur qui s’arrête et se flagelle tout seul. Inutile de développer, je suis certaine que cela vous parle ! Je l’ai vécue heureusement très peu de fois car j’ai un côté bulldozer qui avance quel que soit les obstacles.
Prestation : préparation clé et jour J
Quand j’ai réussi à dépasser mon blocage qui me faisait trembler de tout mon corps, je suis passée peu à peu au niveau supérieur. Cela m’a demandé du temps, beaucoup de temps… De la pratique en tant que bénévole dans un premier temps, puis une facturation de mes prestations par palier.
La présentation d’un programme (le niveau « Ninja » comme dirait Marie-Cécile !) requiert une préparation spécifique. Elle m’a accompagnée sur cette trajectoire. Voici ses conseils de coach que j’avais notés précieusement :
Travailler l’enchaînement des morceaux : s’entraîner à jouer les 4 mesures avant la fin (dominante) avec le début du morceau suivant, de manière carré, sans affect.
LE JOUR J :
Il est trop tard pour travailler ! Je suis presque gênée de l’énoncer aussi brutalement, mais c’est un fait.
Ce qui peut aider : jouer le morceau (ou les morceaux) très, très lentement une fois, idéalement par cœur… et ensuite, advienne que pourra !
Se mettre dans des conditions optimales : fuir l’ordinateur, faire tout ce qui ancre en soi et recentre, comme d’aller marcher dans la nature par exemple.
Préparer ses partitions à l’avance, ses lunettes, sa tenue, ses chaussures ! Objectif : se mettre dans des conditions zen.
Une fois installée au piano, entendre le début du morceau avant de commencer à le jouer : les 4 premières mesures. L’intégrer au travail.
S’accrocher au 1er temps de chaque mesure, ce qui est en lien avec le travail de fond de déchiffrage.
Sur les passages difficiles, ne pas accélérer et même s’autoriser à ralentir légèrement. Travailler les passages rapides très lentement et par cœur.
FOCUS SUR « ECAP »
Aujourd’hui, je n’ai plus besoin d’intégrer l’exercice ECAP que Marie-Cécile m’avait appris, issu de sa formation en Brain-Gym. Je le faisais juste avant de commencer à jouer pour me centrer et me détendre. Comme cette pratique m’a vraiment aidée, je tiens à la mentionner.
ECAP, quèsaco ? Cet acronyme signifie : Energie – Clarté – Actif – PositifIl s’agit d’un enchaînement de 4 exercices en lien avec le corps et la respiration qui commence après avoir bu un grand verre d’eau. Marie-Cécile m’avait encouragé à cette pratique quand je prenais des cours en présentiel. J’ai pu retrouver les explications dans une vidéo de sa formation C.L.É.É et du « Corps pianiste » que je me suis offerte… et mon corps me remercie déjà !
Conclusion
Cet article aurait pu être bien plus développé. J’ai tant à partager sur ce parcours pianistique. Je viens de si loin… Je me livre avec authenticité dans ces articles. J’ai tellement envie de le partager pour donner quelques clés, à ma façon.
Pour exprimer ce que je ressens pendant mes prestations et ne pas donner l’impression de me « péter les bretelles » (expression québécoise), je reprends les propos d’un ami : « Tu es une faiseuse de bonheur ». Quelle joie d’être sur mon X (une autre expression d’ici qui signifie “Être exactement à l’endroit où l’on désire être dans sa vie, tant personnellement que professionnellement).
Je suis très fière d’avoir dépassé mes peurs, mes blocages et croyances limitantes. Marie-Cécile a joué un rôle clé dans ce parcours. J’ai tellement de gratitude que j’en suis émue aux larmes… de joie, toujours et encore la joie.
Je remballe mon mouchoir !
Ce 9e pilier, comme les autres, se termine par une question : parvenez-vous à être en connexion avec les vibrations du son quand vous jouez pour les autres ?
Osez partager vos commentaires sur ce sujet…
Rendez-vous dans 15 jours pour le dernier article de la série !
A NOTER. L’article est illustré de photos prises pendant mes prestations en résidences services seniors et en Ehpad en France, et à titre bénévole au Québec ces trois derniers mois.
Terminons par le sourire éloquent de Jacqueline
Réponse de Laurence à la question de Corail : Ce que les résidents apprécient, c’est la diversité de mon répertoire : Variété française (avec livrets de chant), musique classique (très appréciée), musique de film, jazz. Je vais intégrer de la musique romantique suite à la découverte d’une pianiste et compositrice québécoise âgée de 92 ans que j’ai eu le privilège de rencontrer au Québec.
Merci de rappeler ce principe fondamental. La musique est plaisir, une belle manière de transmettre et pourquoi pas recevoir des vibrations comme tu le dis. On passe trop de temps derrière son piano à travailler plutôt qu’à jouer en public, ne serait ce que pour sa famille.
Article très intéressant qui m’encourage à dépasser le travail de gestion du trac pour aller vers mon plaisir et celui du public en utilisant les recommandations proposées. Même si , étant débutant autodidacte, mon public se résume à ma compagne.
Excusez moi, *un peu plus …
Merci pour ce témoignage passionnant ! Pourrait on en savoir nous peu plus sur le répertoire ?
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