Voici un article sur un sujet un peu spécial, que j’ai tenu à écrire car il repose sur un principe qui me tient coeur : que les personnes soit payées pour leur travail pour pouvoir en vivre. Que vous soyez musicien professionnel ou amateur, vous devez savoir qu’il est interdit de faire des photocopies (et tout type de reproduction que ce soit) de partitions sans autorisations. Je me doute que vous êtes nombreux à en avoir entendu parler, mais savez-vous exactement quelle est la législation à ce sujet ? 

Ayant lu ou entendu un peu tout et n’importe quoi à ce sujet dans mon entourage et sur la toile, je me suis dit qu’il était urgent d’écrire un article pour aller au fond de la question. Cependant je rappelle que je suis pianiste et non légiste. Donc il se peut que j’ai moi-même mal compris certaines données. N’hésitez pas à me signaler une erreur ou préciser les informations dans les commentaires.

La législation à ce sujet relève du Code de la propriété intellectuelle. Son but est de protéger les « oeuvres de l’esprit » du vol de propriété. Autrement dit, cela empêche n’importe qui de s’attribuer une oeuvre intellectuelle, et/ou d’en tirer un profit financier. Pour parler de manière encore plus explicite, cela permet aux auteurs de pouvoir vivre de leur travail, comme il semble normal pour tout un chacun…

Pour cela, les légistes de notre pays ont créé le principe d’oeuvre protégée, afin de permettre aux auteurs de vivre de leur travail durant leur vivant, et à leurs héritiers d’en percevoir quelques bénéfices après leur décès. Ce « salaire » est appelé le droit d’auteur. Si vous voulez en savoir plus sur l’histoire du droit d’auteur, voici une vidéo qui vous explique ça. Sinon passez à la suite directement.

Qu’est-ce qu’une oeuvre protégée :

Une oeuvre protégée, est une oeuvre (donc ici une musique) qui a été déposée auprès des organismes habilités par son auteur ou ses proches. A partir de ce moment, en France, elle le sera pendant 70 ans après l’année de la mort du compositeur, auxquelles on ajoutera des années par période de guerres comprises dans ces 70 ans.

Pendant toute cette période, pour la photocopier ou la jouer dans un lieu public, il va falloir demander l’autorisation à l’auteur ou à ces ayant droit (toute personne ayant le droit de percevoir de l’argent car elle a contribué à sa création ou sa publication).

Par exemple, le Clair de lune de Debussy est maintenant passé dans le domaine public depuis 2004. Voici le calcul : Claude Debussy étant mort en 1918, on compte à partir du 1er janvier 1919. On ajoute 70 ans, ça nous met au 1er janvier 1989. On ajoute ensuite des années de guerre prévues par la loi (mais non connues de moi pour le moment), ça nous amène au 1er janvier 2004.

Arrivée à la fin de cette période, c’est à dire la 85ème année pour les oeuvres publiées avant la première guerre mondiale, l’oeuvre est dite « tombée dans le domaine publique » (pourquoi ce mot tomber… quelle chute ? :)) Vous pourrez donc la jouer à loisir où bon vous semble. En revanche, et c’est là où ça se corse, ce n’est pas parce qu’une oeuvre est tombée dans le domaine publique que vous avez le droit de la photocopier. Car il y a d’autres acteurs du monde des partitions qui réclament le respect de leur travail. Le plus connu est l’éditeur.

Qui c’est cette bête là ? Rappelez-vous, il s’agit par exemple de Henry Lemoine, Salabert et autres noms que l’on peut lire en bas des partitions que vous achetez en magasin. Il s’agit d’entreprises qui saisissent le texte pour rendre la lecture fluide, rajoute des précisions pour aider à les jouer (comme les doigtés par exemple), et les fabriquent en masse pour pouvoir les livrer ensuite aux magasins de musique physiques ou dématérialisés. J’entends par ce dernier terme les « e-magasins » sur internet qui respectent la législation comme Di-Arezzo, Diam ou La flûte de pan pour le classique ou Noviscore plutôt orienté variétés.

Pour revenir à notre oeuvre tombée dans le domaine publique, vous avez en revanche le droit de recopier l’oeuvre à la main ou avec un logiciel d’écriture, et même de la photocopier ensuite. Il en existe une multitude d’outil informatique pour éditer soi-même comme par exemple Musescore (gratuit), EncoreFinale ou Sibélius. Des applications pour tablette font également ça assez bien comme NotateMe et Notion.

Le cas d’oeuvres musicales écrites par plusieurs auteurs :

Il existe des oeuvres musicales ayant plusieurs « créateurs » : l’auteur et le compositeur par exemple. C’est souvent le cas des chansons ou des opéras. L’auteur (appelé aussi poète ou écrivin) en écrit le texte que l’on prononce en francais, anglais ou autre. Le compositeur écrit la musique. Dans le cas de la variété, la composition peut se répartir entre le « mélodiste » qui à eu l’idée de l’air, et l’arrangeur qui a créé les accompagnements de cet air. Dans le cas donc de plusieurs créateurs associés pour créer la musique, le calcul se fait à partir de la mort du dernier survivant.

 

Comment faire des photocopies de partitions et être dans la légalité :

Distinguer le lieu public du lieu privé :

En tant que particulier, vous n’avez donc pas le droit de photocopier de partitions protégées, et ce même s’il s’agit d’une partition dont vous possédez l’original. Cependant, vous pouvez le faire à titre privé, à votre domicile. Mais la photocopie doit rester chez vous, ou dans un autre espace privé. Vous ne pouvez pas l’emporter dans un lieu public. Un lieu public concrètement est une école, un conservatoire, une association, une salle de concert ou de spectacle, ou la rue (sauf si elle se trouve dans votre sac qui est légalement un espace privé).

Vous ne pouvez-donc sortir et exposer dans ce type de lieu de photocopies d’oeuvres protégées, et/ou les jouer sans autorisation. Et oui je sais c’est dur… mais c’est dur aussi pour un auteur d’avoir du mal à finir ses fins de mois, parce que le fruit de son travail n’est pas un objet matériel. Imaginez qu’on puisse « photocopier » des machines à laver… les ingénieurs qui les conçoivent et les ouvriers qui les fabriquent auraient du soucis à se faire non ?

En revanche, votre domicile est un espace privé dans lequel l’état n’a pas son mot à dire. Dans certaines limites bien sûr, car il est interdit de tuer son mari ou son frère même s’il est à l’intérieur de votre domicile :)).

Achetez des partitions originales
Image Laurent Wangermez

Un organisme d’état qui gère la reproduction :

Il existe un organisme mandaté par l’état qui se charge de gérer la reprographie d’oeuvre musicale. Il s’agit de la SEAM, en toute lettre « Société des éditeurs et auteurs de musique ». C’est ce qu’on appelle une SPRD, soit une « société de perception et de répartition des droits d’auteur ». Oui je sais, un peu barbare à lire… Pour capter un peu plus ce que c’est, sachez que la SACEM qui est un peu plus connue en est aussi une. Mais elle s’occupe de son coté des droits de représentation. En clair du fameux droit de jouer en public une oeuvre. Vous pouvez trouver sur leur site un répertoire des oeuvres protégées bien utile. Mais il n’est pas exhaustif.

Pour revenir à la SEAM, elle offre donc la possibilité d’utiliser les oeuvres protégées pendant une durée limitée d’un an, sous forme de ce que l’on appelle une licence. Elles sont réservées à certains organismes ayant besoin de travailler sur ces partitions pour leur bon fonctionnement, comme par exemple les conservatoires ou école de musique. Un particulier ne peut obtenir ce type de licence.

Les timbres de la seam

Vous avez peut-être déjà aperçu ces petits timbres sur lesquels se trouve le logo de la SEAM, et apposé sur chaque photocopie. C’est la preuve que la personne qui vous a donné ces photocopies avait le droit de vous les confier pour les travailler à ce moment là, et ce jusqu’à l’expiration de la période indiquée sur le timbre. Vous n’avez donc vous-même pas le droit de garder ces reproductions après l’écoulement de cette période.

En résumé, si vous voulez photocopier :

  • Si vous faites partie ou représentez un organisme de formation musicale ou un ensemble se produisant sur scène, c’est à la SEAM qu’il faut s’adresser pour les oeuvres éditées, ou à l’auteur dans le cas d’oeuvres non éditées.
  • Si vous êtes un particulier, vous ne pouvez pas le faire dans un cadre public. Donc vous n’aurez pas d’autorisation. Mais ce que vous faites chez vous ne regarde que vous.
  • Si vous voulez jouer l’oeuvre en public, c’est à la SACEM qu’il faut s’adresser.

 

Pour ne plus avoir besoin de photocopier la partition de vos amis pianistes :

Evidemment la meilleur des solutions est d’acheter la partition et de travailler dessus ! Cela encourage les artistes à continuer de nous faire voyager et rêver. L’acte d’achat est un acte militant qui leur apporte toute la reconnaissance dont ils ont bien besoin dans une société centrée sur l’acquisition de biens matériels qui s’entassent inutilement dans nos placards.

Oui mais alors, me direz-vous, comment peut-on faire pour pratiquer le piano en développant sa culture musicale ? Oui vous avez entièrement raison, c’est important de fureter dans l’immense répertoire du piano. Et s’il faut tout acheter ça représente une petite fortune tout de même ! Et bien rassurez-vous, il y a un outil extraordinaire qui est né il y a une vingtaine d’année : Internet. Même s’il est aussi malheureusement l’occasion de beaucoup de diffusion dans la plus grande illégalité, il permet aussi d’avoir accès à de véritable bibliothèque en ligne d’oeuvres « élevées » dans le domaine public.

Sites de partitions passées dans le domaine public :

Voici donc la bonne nouvelle. Il existe des sites internet sur lesquels vous pouvez télécharger des partitions passées dans le domaine public. En voici quelques uns. Si vous en connaissez d’autres, s’il vous plait mettez en les liens dans les commentaires en bas de cet article et je les rajouterai ici.

photocopie partitions

  • IMSLP, une mine d’or ! et vous pouvez même y écouter des fichiers audio
  • Mutopia, partitions classiques pour instruments et orchestre
  • ChoralWiki, pour des partitions de chant choral.

Il vous suffit de télécharger les partitions sur votre tablette ou votre ordinateur (ne négligez surtout pas l’anti-virus comme Avast par exemple), de les imprimer ou les basculer sur une application spéciale partition comme indiqué dans cet article. Après cela, vous n’avez plus aucunes excuses pour ne pas faire régulièrement la découverte de perles musicale et par là même travailler votre lecture à vue au piano. Votre progression rapide au piano dépend beaucoup du nombre de morceaux que vous aurez travaillés, joués et même juste déchiffrés dans votre vie.

Voilà, j’espère que cet article aura démêlé pour vous cette question. De mon coté dès qu’il s’agit de textes officiels et de lois, je suis prise d’angoisse de ne pas comprendre et d’ennui mortel. Alors mon souhait le plus cher est que je vous avoir rendu tout cela accessible et le moins ennuyeux à lire possible. J’attends de savoir dans les commentaires si ce fût le cas…

Et puisque vous avez lu jusque là, vous méritez bien un petit dessin animé :).

 

Bon piano !

 

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